
Cela faisait dix ans que Gédéon était avec nous. Du sdf maigrichon et sale qui tournait autour de la maison au toutou amitieux qui me suivait partout, il en a fait du chemin. Chanel, en vieille fille qu’elle est, n’a jamais réussi à s’entendre avec lui. Mais ils se croisaient tous les deux poliment … la plupart du temps. Généralement, leur conversation se résumait à un grognement de Chanel suivi d’un haussement méprisant de sourcils de Gédéon.
Gédéon était un cas clinique : cardiomyopathe, insuffisant rénal, la colonne vertébrale abîmée, le sida des chats et des poumons de fumeur ne lui prédisaient pas un long avenir. En saison, cela ne l’a jamais empêché de nous ramener son quota de souris en les déposant dans le bureau de Valérie avec un miawww de contentement suivi d’un cri d’orfraie bien senti de Valérie, générant lui-même un appel à son héros pour évacuer le cadavre.
Gédéon avait des vertus apaisantes. La journée, il dormait la plupart du temps sur mon bureau dans son panier. Après l’appel d’un client casse-pieds, une caresse sur la tête de Gédéon mettait immanquablement son moteur interne en route, ce qui faisait redescendre ma tension à un niveau acceptable.
Gédéon tenait chaud. Au printemps, la récolte de ses poils perdus un peu partout dans la maison nous servait à rembourrer les oreillers et à réparer les couettes. En hiver, la nuit, il me réchauffait sur le lit en se callant en dessous de mon bras. Le soir, à la télévision, il s’installait généralement sur mes genoux … ce qui m’évitait de vider l’armoire à biscuits.
Gédéon éloignait les intrus. Probablement à cause de son état de santé précaire, et grâce à son haleine pestilentielle, il était capable de mettre en fuite le plus collant des témoins de jéovah.
Depuis quelques mois, Gédéon avait un peu mal au dos. Nous lui avions installé un tabouret pour pouvoir monter sur mon bureau et sur le lit. Cela ne lui posait pas vraiment de problème mais la semaine dernière il a eu une crise qui l’a quasiment bloqué des pattes arrière. Malgré l’intervention du vétérinaire, cela ne s’est pas amélioré. Nous sommes soucieux de la qualité de vie de nos animaux et, avec l’avis du vétérinaire, nous avons préféré abréger sa douleur.
Son dernier souhait a été de se réincarner … en chat … chez Valérie et Eric.
Il me manque déjà.
Eric