En janvier, Valérie est partie en mission exploratoire sur l’île de Madère.
Officiellement, c’était pour y retrouver ses parents dans le cadre d’une opération post-professionnelle. Officieusement, il s’agissait de rassembler discrètement des informations relatives au VTT sur cette île.
Pour les incultes, Madère est une île située dans l’océan atlantique, à peu près à la hauteur de Casablanca (oui, au Maroc). Cette île a beau être portugaise, elle n’est pas ensablée le moins du monde car il n’y a pas une seule plage sur ce caillou qui part de la mer jusqu’à une altitude de 1900 mètres.
Du dessus, la surface de cette île ressemble à la tête de Jeanne Moreau (sans la fumée) : une succession de crevasses, de creux et d’à pics, tout cela chiffonné tel un Shar Pei. Mieux vaut ne pas être sujet au vertige ni allergique aux bananes pour visiter cet endroit. A croire que l’île a été colonisée par un troupeau de singes en rut : des bananiers partout.
On m’a vendu Madère comme ceci : « oufti … en janvier la météo était super. De temps en temps un nuage sur les hauteurs et, peut-être (notez le « peut-être »), un peu froid en altitude. En plus, c’est la mecque du VTT. L’agence qui organise une des manches de la coupe du Monde d’Enduro se trouve juste à la sortie de l’hôtel. Et les vélos sont neufs. Il n’y a que des vieux pensionnés et pas de gosse. Ce sera supeeeer !.».
Bon … ok … la mariée est séduisante mais j’avais quand même l’impression d’être caressé dans le sens des poils.
En avril, inutile de s’embarquer avec des accessoires inutiles comme les chaussettes insubmersibles (SealSkin), les longs cuissards, les gants isolés ou les pantalons hydrofuges. Ben voyons !
Le premier jour, on se rend à l’agence FreeRide qui installe nos pédales et nos selles sur les vélos qui nous sont destinés : des Specialized StumpJumper, modèles alu, mono-plateaux, 12 vitesses. Il nous faudra quand même tirer un plateau de 32 dents, ce qui nous promet du plaisir alors que nous sommes habitués à un 28. Ces vélos ne disposent pas de tige de selle amovible. Bah … on fera sans. Les vélos étaient neufs en janvier et, mises à part quelques griffes, ils sont en bon état.
Au niveau de la mer, la température est un peu frisquette mais acceptable. On monte dans la camionnette qui achemine (= qui escalade) notre petit groupe de 6 vttistes vers le point de départ, quelques 1000 mètres plus haut. Là, nous avons tout de suite compris pourquoi Madère est prisée des enduristes : cela ne fait que de descendre.
Le point de départ est dans les nuages (littéralement) et il fait déjà nettement moins chaud. Mais, bon, quelques grimpettes plus tard, notre température corporelle a régulé cela. A la fin de cette journée, nous comprenons déjà que la semaine s’annonce sportive. Mais, après tout, c’est pour cela que nous sommes venus, non ?
Le lendemain, la météo au niveau de la mer est déjà moins engageante. Nous ne sommes plus que deux (plus notre guide) dans la camionnette. 45 minutes plus tard, on nous largue au milieu d’un nuage et, accessoirement, d’une bonne grimpette. Trois minutes plus tard, la pluie arrive … suivie de la neige … puis de la glace. Le genre de pluie de grêle à faire pousser les poils en dessous des bras. En moins de temps qu’il ne faut pour les enfiler, nos vestes de pluie sont transpercées. Nous sommes complètement trempés et la température descend juste que … -2°. Quelques kilomètres plus loin, nous apercevons une autre camionnette FreeRide que notre guide avait appelée. Elle embarque Valérie et son vélo mais comme elle était complète, je suis obligé de continuer sur la route jusqu’au refuge. Les voitures, camionnettes et cars sont quasiment à l’arrêt et je les dépasse tous. La route est couverte de 2 centimètres de billes blanches. Obligés de nous décongeler devant un feu de bois, inutile de vous dire que la journée s’est arrêtée là, après 8 km et 350 mètres de grimpette.
A hauteur de Casablanca, je vous disais…
Le lendemain, 3ème jour du périple, la météo n’est pas plus réjouissante que la veille. Nous décidons de monter « moins haut » que hier. Bien nous en a pris. Nous avons évité les grèlons … mais pas la drache.
La journée ne commence pas trop mal avec une légère pluie supportable. Après une bonne montée nous empruntons un superbe singletrack de 5 km traversant une forêt d’eucalyptus. La trace est parsemée de racines et cela rend le pilotage délicat. C’est une fois sorti de ce single que le déluge nous tombe sur la tête, par Toutatis, coupant court à nos désirs de pédalage.
A J+4, nous virons carrément vers la pointe ouest de l’île où la météo devait être meilleure. Ne boudons pas notre plaisir : nous n’avons pas eu de drache mais nous terminons quand même bien humidifiés. Cela dit, la trace choisie par notre guide est superbe, en plein milieu des matitis. Une des particularités du sol madérien est qu’il est extrêmement glissant lorsqu’il est humide (si si …) et les descentes se font avec un doigté particulièrement délicat sur les freins. La journée s’achève sous un soleil refroidi par un vent agité.
Le dernier jour, appâtés par la prévision d’une meilleure météo, nous récupérons quelques participants. L’équipe de FreeRide n’a pas osé nous emmener trop haut et nous dépose au départ d’une longue levada. Après une vingtaine de kilomètres, c’est le moment que choisit une racine d’eucalyptus pour traverser ma route et s’engager dans un des rayons de la roue avant … et … bardaf, c’est l’embardée. Le temps de récupérer tous mes os et d’en faire le compte, je me retrouve avec une entorse au poignet qui m’empêche de continuer la route.
Soyons corrects : on m’a vendu un chat dans un sac avec plein de promesses qui n’ont pas été tenues. Mais il faut quand même reconnaître que l’île de Madère ne manque pas de charmes … à condition d’aimer la neige, la pluie et le vent.
😉