Le secret du « pot belge »

Le mystère de la réussite des cyclistes flamands vient enfin d’être mis à jour grâce à deux courageux enquêteurs namurois qui ont réussi à intégrer une équipe néerlandophone de gravel afin d’en dénicher les secrets les plus profondément enfoncés. (ndlr : d’habitude, ce sont plutôt les cyclistes francophones qui l’ont bien enfoncée). Leur récit :

« Cela fait des années que je participe aux différentes classiques de VTT flamandes dans l’espoir de découvrir ce mystérieux secret. Du mur de Gramont, à la Tour de l’Yser, en passant par les vignobles d’Overijse, les terrils limbourgeois et les cimetières d’Ypres, je suis toujours revenu bredouille de ma quête du Graal flamand. Quel est donc leur méthode pour truster les meilleures places des podiums ?

J’ai tout essayé : les stéroïdes anabolisants, le pot belge, le vin Mariani, les diurétiques, l’héroine, les amphétamines. J’ai pris de l’EPO à en sortir par les narines.  Je me suis même découvert un asthme chronique. Mais rien … rien n’a marché et je me retrouvais inévitablement à me traîner comme une merde derrière les cyclistes flamands. Tout ce que j’y ai gagné, ce sont des couilles fripées, des jambes de Hulk avec un torse de pigeon, des bouffées de chaleur, des éruptions cutanées et une bite qui pousse vers le bas.

En désespoir de cause, nous avons changé de discipline et nous nous sommes inscrits à un gravel du côté de Bruges. Les distances de 55 et 105 km étaient proposées. Comme on ne voulait pas taper la honte à nos hôtes, nous avons opté pour le 55. La météo était au beau fixe mais nous sentions que cela n’allait pas durer. Effectivement, arrivés au ravitaillement, la grosse drache qui pisse nous est tombée sur le crâne et nous avons juste eu le temps de nous mettre à l’abri sous un de ces petits bâtiments que l’on trouve sur les parkings flamands et qui proposent des toilettes (propres) avec évier (propre) et papier toilette (propre aussi), une table (propre) et des petits sièges (propres) ainsi que des panneaux d’affichages didactiques qui montrent tout ce qu’il est possible de faire dans le coin. Ce n’est pas vraiment le genre d’équipement auquel nous sommes habitués de par chez nous.

Comme d’habitude, nous sommes arrivés dans les derniers en ayant quand même réussi à dépasser un enfant de sept ans sur un tricycle, un unijambiste en monocycle et une grand-mère sur un vélo hollandais avec son chien dans un panier. Nous avons appris par la suite que cette dernière avait été disqualifiée car elle n’était pas inscrite, vu qu’elle venait de s’échapper de sa maison de repos.

Une fois installés à l’after, nous avons eu la révélation et nous avons enfin réussi à percer le mystère mystérieux quand un des concurrents, probablement distrait et à l’insu de son plein gré, a révélé le pot aux roses … que nous avons immédiatement immortalisé par une photographie qui servira de preuve lors de la prochaine réunion de l’UCI.

Le secret, c’est une combinaison de deux boissons locales : une espèce de bière rouge et un liquide bizarre nommé « Blonden Os ». A postériori et en y réfléchissant, je m’étais fait la remarque que c’était bien la première fois que l’on me proposait ce type de breuvage à un ravitaillement en plein milieu d’une course. J’en comprends maintenant la raison.

Une fois le secret percé, bien entendu, nous avons voulu l’essayer. On s’est enfilé les deux bouteilles et attendu quelques minutes. Mais, bon … comme on ne sentait rien de spécial, un peu comme le centurion Caius Bonus, on a repris une dose en se disant que cela devait agir lentement.

A la cinquième dose, je vous confirme que l’on se sent pousser des aiiiiles et que tout va beaucoup mieux.

Promis juré, la prochaine fois, on essaye cela en compét … »

Eric & Valérie

Un jour sur le Tour de France

Cliquez l’image pour voir les photos

Bon … le Tour de France (TDF pour les intimes), tout le monde connait. On embarque des dizaines de cyclistes pour faire la promo du pays … sans en faire le tour. Le Tour de France, il démarre au Danemark, en Belgique, en Grande-Bretagne, en Hollande, en Espagne… mais, à chaque fois, il se termine à Paris, histoire de faire penser que tous les chemins y mènent et que le soleil ne se lève que pour cette ville.

Pour y assister (en spectateur), le mot d’ordre pour ce genre d’aventure est « an-ti-ci-pa-tion ». Sans cela, tu es mort avant même de quitter la maison.

Le seul élément qu’il n’est pas possible d’anticiper, c’est la météo. Une journée de drache le jour J et c’est fichu.

L’anticipation commence dès la publication officielle du tracé du TDF, vers le mois d’octobre. Le premier boulot est de repérer la journée idéale pour t’y rendre. Au TDF, « journée » est synonyme de « étape » et surtout, de « profil ». Oublie les profils plats comme un encéphalogramme de Trump, tu n’y verras passer qu’un TGV de cyclistes en goguette au milieu des champs. Aucun intérêt.

Le bon truc, ce sont les étapes de montagnes ou, à tout le moins, celles qui ont un profil de Sharpei. S’il est bien connu que la Formule 1 n’est intéressante que pour les crashes, pour le vélo, c’est le niveau de souffrance des coureurs dans une côte en plein cagnard que l’on attend. Rien de plus amusant que de siroter une bière fraîche en les voyant se martyriser. Notre côté sadique nous ferait même couper des arbres pour supprimer la moindre ombre.

La montagne, c’est bien. Mais pas n’importe laquelle. En haute montagne, style Alpes ou Pyrénées, l’arrivée est blindée de monde et ressemble généralement à l’ouverture d’un Apple-Store le jour de la sortie d’un nouveau modèle. De plus, il n’y a souvent qu’une seule route par laquelle tu dois monter ET redescendre. Imagine le bordel que cela donne.

Les spectateurs du TDF se classent en deux grandes catégories : ceux qui assistent en autonomie totale, c’est-à-dire en mobil-home (maison mobile pour la tribu locale), et les autres. Les premiers ont intérêt à se positionner au plus tard le jour avant l’étape visée. Petit conseil : si tu ne veux pas être guetté par la constipation, n’oublie pas de vider ta toilette AVANT de partir car une fois là-haut, tu ne pourras plus redescendre avant le surlendemain.

Nous avons choisi une étape de moyenne montagne dans les Vosges, l’étape alsacienne du Petit Ballon et sa montée. Les avantages, c’est qu’on connait déjà le coin et du monde, qu’il y a plusieurs routes par lesquelles on peut y arriver (… et repartir), que nous avons un hôtel au pied de la montée et que nous pouvons nous y déplacer sur nos VTT par les bois ou par la route.

Il est primordial de consulter le timing prévisionnel de passage (sur le site web du TDF). Bien entendu, tu n’envisages même pas de te poster juste au-dessus du col. C’est blindé et tu ne verras rien. Le mieux est d’installer son campement vers les ¾ de l’ascension. Il n’y a pas trop de monde, il y a peu de dégagement latéral ce qui fait que personne ne viendra s’installer devant toi et il y a de la place pour dégager tes vélos de la zone à risque.

A vélo, tu dois te frayer un chemin dans les milliers de piétons qui montent au même endroit que toi. L’équipement est assez disparate : glacières, charrettes, barbecues, chiens, gosses, … On voit de tout.

Il faut arriver tôt, très tôt … au moins quatre heures avant le timing annoncé. Tu te trouves une petite place sympa et tu déballes ton drapeau national. Là, tu fais quand même gaffe au choix de tes voisins. Le fanatisme de cyclisme est une activité tribale et les spectateurs se regroupent généralement par secte. Toutes les sectes ne se mélangent pas. Par exemple, tu évites de t’installer en plein milieu d’un groupe avec des t-shirts oranges. Tu peux choisir un groupe qui a un dialecte similaire au tien mais il faut quand même être méfiant car il n’est peut-être pas de ta tribu. Dans ce cas, tu fais gaffe à ce que tu racontes et tu évites les blagues douteuses qu’il ne comprendrait pas.

Evite aussi la place en plein soleil. N’oublie pas que tu vas attendre … longtemps. Le mieux est une place dans un bois. Tu peux y poser tes fesses dans de la mousse (en évitant les nids de fourmis) et même y faire une petite sieste (quoique …).

Si tu n’aimes pas la foule, tu peux t’installer dans la descente mais les coureurs y passent tellement vite que tu n’auras pas le temps de les apercevoir … sauf si … Bon, je t’explique : les coureurs du TDF, c’est comme les oiseaux, il faut les appâter. Les oiseaux, c’est avec des graines. Pour les cyclistes en descente, tu t’installes d’abord à un endroit peinard, tu débarques tout ton matériel puis, à une cinquantaine de mètres en amont de ta position, tu appâtes … avec des punaises. Résultat garanti … tu auras tout le temps de les voir. Ce sera peut-être un peu brouillon … mais tellement jouissif. En plus, tu passeras peut-être à la télé.

Comme tu es prévoyant, tu es monté avec des sandwiches et des litres d’eau dans ton Camelback. Donc, tu bouffes et tu bois. Et, comme tu bois … ben … tu dois évacuer … dans le bois. Pour un gars, c’est facile, tu te retournes, tu secoues ton chicon et l’affaire est faite. Si tu n’es pas équipé, il n’y a d’autre choix que de t’éloigner et de trouver une place qui n’est pas déjà jonchée de mouchoirs en papier pour faire ta petite affaire.

Et puis tu attends … tu attends … tu attends. Et quand tu n’as plus rien à faire, tu attends encore.

Comme tu n’as rien d’autre à faire, tu regardes passer les milliers d’autres gusses qui grimpent sur leur vélo pour aller encore plus haut que toi dans la côte.

Tu peux également causer vélo avec tes voisins. Mais là, attention … Tu es sensé te tenir au courant. Nous, par exemple, on ne devait pas crier « allez Wout » (car il était rentré chez lui pour la ponte du jour avant). Il ne faut pas te faire passer pour un plouc ou, pire, pour un supporter de foot.

Deux heures avant le coureur de tête, c’est la « caravane » (publicitaire) qui arrive. Et ne te tracasse pas pour les chiens, elle passera quand même.

En temps normal, quand la pub passe à la télé, tu zappes, tu vas rechercher une bière, tu vas tondre ta pelouse, tu vas pisser, … bref tu fais une activité qui t’évite de devoir te farcir ces conneries. Au Tour de France, c’est le contraire : tout le monde applaudit les véhicules publicitaires de la caravane et, pire encore, il réclame les canetchas (les brols) que les gonzesses balancent au public. Brols que tu t’empresseras de mettre à la poubelle une fois rentré à la maison.

Tu ne risques pas de louper l’arrivée des coureurs. Les gusses situés plus bas que toi font tellement de raffut que tu te réveilles vite fait. Et puis tu regardes. Les premiers arrivent … enfin … le premier arrive. J’ai tout de suite compris pourquoi les autres spectateurs gueulaient autant. C’était un coureur de leur tribu. J’ai quand même évité de commenter à haute voix … même s’il s’est vite fait rattraper par les poursuivants. Il est de bon ton de gueuler plus fort que les précédents, histoire d’éveiller ceux qui sont en aval.

Ce qu’il y a de chouette en montagne, c’est que le peloton est disloqué donc tu peux voir des petits groupes plic-ploc pendant pas mal de temps … Entre chaque groupe, on trouve généralement des voitures d’équipes. Tu ne peux pas les louper, elles portent une forêt de vélos sur leur toit et elles circulent à vive allure en essayant de choper le plus de spectateurs possibles avec leurs rétroviseurs. Juste devant chaque groupe, deux motards barbus de la Gendarmerie zigzaguent au ralenti pour ne pas tomber (cela la foutrait mal).

Parfois, quelqu’un lâche son chien dans le peloton. C’est le côté taquin des afficionados. A ce moment, tu comptes les points. Au-delà de 10 vélos à terre, c’est le strike et tu gagnes 10 points d’un coup. En dessous, c’est un point par coureur avec un bonus de 3 points si c’est un maillot distinctif et 4 points pour le porteur du maillot jaune. Si tous les coureurs évitent le clébard, ton compteur redescend à zéro.

Le véhicule à repérer, c’est le camion-balai qui clôture le passage du TDF. Là, tu sais que c’est terminé et si tu es monté sur ton vélo ou à pied, c’est le moment de remballer ton installation et de redescendre. Si tu es arrivé en bagnole, tu peux attendre deux ou trois heures avant de repartir. En mobil-home, tu attends le lendemain matin.

La descente, c’est comme dans un mauvais trip, c’est la partie la plus difficile à supporter.

Tout le monde est pressé de repartir pour regarder l’arrivée de l’étape à la téloche. Si le positionnement du matin s’est fait plus ou moins dans l’ordre, le retour ressemble plutôt à l’évacuation d’un centre commercial à l’annonce d’un incendie : tout le monde se met en grappe et bloque tout, déjà que certains automobilistes et automobilhomistes qui se sont crus plus intelligents veulent quand même retourner chez eux immédiatement. Ajoutées à ce « joyeux » bordel, il y a les équipes techniques du TDF qui arrivent à contre-courant pour démonter les pancartes publicitaires et les motards qui escortent une ambulance venant secourir mamy qui s’est tordu le pied en allant à sa pause pipi pendant le passage des coureurs.

Si la montée se fait dans une atmosphère bon enfant, la descente est plus ardue. Plusieurs spectateurs ont un coup dans l’aile et font n’importe quoi (déjà qu’ils ne marchent pas droit).

Il nous a fallu plus d’une heure pour arriver en bas. Pour cela, nous avons dû évacuer plusieurs chicanes mobiles à coups de pied.

Une journée au Tour de France, c’est franchement une expérience à vivre. Il y a plusieurs conditions à réunir mais quand c’est le cas, comme aujourd’hui, cela vaut vraiment la peine.

Vainqueur de l’étape : Pogacar.

Un tout grand merci à Vincent pour avoir été aussi précis dans la planification et le repérage du tracé de cette étape. Nous reviendrons …

Eric

Cliquez l’image pour voir les photos.